Les 15 arrêts marquants de la Cour de cassation en janvier 2025
Relations professionnelles
Syndicats
Renonciation au droit d’être désigné en qualité de délégué syndical. – Un salarié ne peut par avance renoncer au droit d’être désigné délégué syndical qu’il tient des dispositions d’ordre public de l’article L. 2143-3 du code du travail lorsqu’il a obtenu un score électoral d’au moins 10 %. Le tribunal, après avoir relevé que la totalité des vingt-huit candidats du syndicat avaient renoncé à leur droit de priorité avant même le premier tour des élections et qu’aucun d’entre eux n’avait confirmé cette renonciation après le premier tour, en a exactement déduit que ces renonciations n’étaient pas valables, de sorte que les désignations de salariés adhérents qui n’avaient pas été candidats aux dernières élections professionnelles devaient être annulées (cass. soc., 22 janvier 2025, n°23-22.216).
CSE
Alternance des candidats de chaque sexe sur la liste de candidats. – Si l’article L. 2314-30 du code du travail, d’ordre public absolu, dispose que pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l’article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale et les listes composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes, il n’impose pas de position ou d’ordre pour l’alternance des candidats. Il en résulte qu’un protocole préélectoral ne peut imposer de position ou d’ordre d’alternance aux organisations syndicales (cass. soc., 8 janvier 2025, n°24-11.781).
Demande d’annulation des élections à l’issue du premier tour, sans avoir à réitérer cette demande dans le délai de 15 jours suivant le second tour. – Lorsqu’elle est fondée sur le défaut de prise en compte d’une candidature syndicale et l’absence d’organisation du premier tour en vue duquel la candidature litigieuse avait été déposée, la contestation n’est plus recevable au-delà d’un délai de quinze jours suivant la publication du procès-verbal de carence. Il en résulte que celui qui saisit le tribunal judiciaire d’une telle contestation est recevable à demander, dans la même requête, l’annulation des élections à venir en conséquence de l’organisation contestée d’un second tour, sans avoir à réitérer cette demande dans le délai de quinze jours suivant les élections (cass. soc., 22 janvier 2025, n°23.19.384).
Accords collectifs
Conclusion d’un accord non majoritaire avec un syndicat catégoriel. – La Cour de cassation juge (cass. soc., 31 mai 2011, n° 10-14.391) qu’un syndicat représentatif catégoriel peut, avec des syndicats représentatifs intercatégoriels, et sans avoir à établir sa représentativité au sein de toutes les catégories de personnel, négocier et signer un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, son audience électorale, rapportée à l’ensemble des collèges électoraux, devant alors être prise en compte pour apprécier les conditions de validité de cet accord.
Il en résulte que, lorsqu’un accord n’a pas été signé par des organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, un syndicat représentatif catégoriel ayant signé un tel accord peut demander, avec un ou plusieurs syndicats représentatifs intercatégoriels l’ayant également signé, une consultation des salariés visant à le valider, à la condition que ces organisations syndicales représentatives aient recueilli ensemble au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs, tous collèges confondus (cass. soc., 22 janvier 2025, n°23-21.936).
Statut protecteur
Modalités d’application de la garantie d’évolution salariale. – Il résulte de l’article L. 2141-5-1 du Code du travail qu’en l’absence de tout salarié relevant de la même catégorie professionnelle au sens de ce texte, l’évolution de la rémunération du salarié titulaire de mandats représentatifs doit être déterminée par référence aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise, y compris lorsque certaines augmentations individuelles résultent d’une promotion entraînant un changement de catégorie professionnelle (cass. soc., 22 janvier 2025, n°23-20.466).
Contrat de travail
Exécution
Rejet d’une QPC sur l’exclusion des marins du régime de droit commun de la preuve de la durée du travail. – Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni ne déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Eu égard aux conditions particulières dans lesquelles il exerce ses fonctions et aux risques auxquels il est exposé, le marin n’est pas dans la même situation qu’un autre salarié et l’exclusion par la loi de l’application des dispositions de droit commun relatives à la preuve de la durée du travail ne lui interdisant pas d’obtenir le paiement des heures de travail accomplies, dont la preuve est assurée selon les dispositions spécifiques applicables aux gens de mer, notamment par la tenue à bord d’un registre des heures quotidiennes de travail ou de repos, la différence de traitement qui en résulte se trouve en rapport direct avec la loi qui l’établit (cass. soc. 22 janvier 2025, n°24-17.726).
Pouvoir disciplinaire
Licenciement lié à des agissements du salarié dans sa vie personnelle. – Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise résultant d’un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de celui par lequel il est survenu. La Cour de cassation approuve dès lors la cour d’appel qui, après avoir constaté que le licenciement avait été prononcé pour faute, pour des faits qui, bien que commis au cours d’un voyage organisé par l’employeur à titre de récompense, s’étaient déroulés hors du temps et du lieu de travail, ce dont il ressortait qu’ils relevaient de la vie personnelle du salarié et ne pouvaient constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, en déduit que ce licenciement disciplinaire est dénué de cause réelle et sérieuse, sans qu’il y ait lieu de rechercher si le comportement de l’intéressé avait créé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise (cass. soc., 22 janvier 2025, n°23-10.888).
Rupture
Extension de la couverture AGS à la résiliation judiciaire et à la prise d’acte. – L’AGS doit couvrir les créances impayées résultant de la rupture d’un contrat de travail lorsque le salarié obtient la résiliation judiciaire de son contrat ou a pris acte de cette rupture en raison de manquements suffisamment graves de l’employeur et que la rupture intervient pendant l’une des périodes visées à l’article L. 3253-8, 2° du code du travail (cass. soc., 8 janvier 2025, n°20-18.484 et 23-11.417)
Discrimination et minoration de l’indemnité de licenciement à partir d’un certain âge. – L’article L. 1133-2 du code du travail, interprété à la lumière de l’article 6 de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, autorise des différences de traitement en considération de l’âge des salariés, dès lors qu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime et que les moyens mis en œuvre pour réaliser ce but sont appropriés et nécessaires. Doit être approuvée une cour d’appel qui écarte l’existence d’une discrimination en raison de l’âge en retenant comme appropriées et nécessaires à l’atteinte d’un objectif légitime de politique de l’emploi les dispositions de l’article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 27 avril 1973 qui prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement minorée de façon croissante à partir de l’âge de 61 ans, à un moment où l’âge de départ à la retraite à taux plein était fixé à 60 ans (cass. soc. 8 janvier 2025, n°23-15.410).
Refus d’une modification du contrat de travail. – Le seul refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement et la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique. Doit dès lors être cassé l’arrêt qui retient que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, alors qu’il résultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l’employeur d’externaliser ses activités commerciales et qu’il n’était allégué, ni dans la lettre de licenciement, ni dans les conclusions de l’employeur qui se bornait à soutenir que le refus par le salarié des postes qui lui avaient été proposés caractérisait une situation intolérable et inacceptable, que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse (cass. soc., 22 janvier 2025, n°22-23.468).
Protection sociale
Cotisations sociales
Régime social de l’indemnité transactionnelle liée à la rupture du contrat de travail. – Il résulte de l’article L. 242-1, II, 7°, du même code que par dérogation au I, sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale, les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail qui ne sont pas imposables en application de l’article 80 duodecies du code général des impôts. N’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 242-1, II, 7°, précité, les sommes qui, bien qu’allouées à l’occasion de la rupture du contrat de travail, ont pour objet d’indemniser un préjudice, même si ces sommes ne sont pas au nombre de celles limitativement énumérées à l’article 80 duodecies du code général des impôts. Doit ainsi être approuvé l’arrêt faisant ressortir que l’indemnité versée en exécution de la transaction ayant mis fin au litige ne constituait pas un élément de rémunération dû à l’occasion du licenciement du salarié mais présentait une nature indemnitaire l’excluant de l’assiette des cotisations sociales, après avoir constaté qu’il ressort du protocole transactionnel que la somme allouée au salarié avait pour objet de réparer les préjudices, notamment moraux et professionnels, dont le salarié entendait se prévaloir en raison des conditions dans lesquelles il avait exercé ses fonctions et avait été privé de son emploi (cass. 2e civ., 30 janvier 2025, n°22-18.333).
Assujettissement en France des revenus d’activité professionnelle non salariée perçue à l’étranger. – Aux termes de l’article 13 du règlement n° 883/2004, la personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l’État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre. Cette personne est alors traitée comme si elle exerçait l’ensemble de ses activités salariées ou non salariées et percevait la totalité de ses revenus dans l’État membre concerné. La Cour de cassation approuve dès lors les juges d’appel qui, après avoir constaté que le cotisant exerce une partie substantielle de son activité en France, ont retenu que les revenus perçus par le cotisant en Allemagne en raison de son activité d’associé commandité d’une société en commandite de droit allemand devaient être intégrés dans l’assiette des cotisations et contributions sociales dues au régime français de sécurité sociale auquel il était affilié (cass. 2e civ., 30 janvier 2025, n°22-22.464).
Santé et Sécurité
Inapplication du régime de la faute inexcusable au salarié expatrié assuré volontairement à la CFE. – Le travailleur salarié expatrié à l’étranger a droit aux seules prestations prévues au titre de la législation professionnelle en exécution de l’assurance volontaire contre les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles à laquelle il est adhérent à la date de la première constatation médicale de la maladie. N’étant pas soumis à cette date à la législation française de sécurité sociale, il ne peut bénéficier de ses dispositions relatives au régime d’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur. Il dispose cependant du droit d’agir à l’encontre de son employeur, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle, pour obtenir la réparation des préjudices causés par le manquement de ce dernier à son obligation de sécurité (cass. 2e civ., 30 janvier 2025, n°22-19.660).