Les 12 arrêts marquants de la Cour de cassation en décembre 2024
Relations professionnelles
Statut protecteur
Mise à pied disciplinaire du salarié protégé sans avoir à recueillir son accord. – La mise à pied disciplinaire du salarié protégé, qui n’a pas pour effet de suspendre l’exécution du mandat de représentant du personnel et n’emporte ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail, n’est pas subordonnée à l’accord du salarié (cass. soc., 11 décembre 2024, n°23-13.332).
Prescription triennale de l’indemnité d’éviction en cas d’annulation définitive de l’autorisation de licenciement. – Il résulte des articles L. 2422-1 et L. 2422-4 du code du travail que seule la demande de réintégration doit être formée, à peine d’irrecevabilité, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement annulant l’autorisation administrative de licenciement. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l’indemnité due en application de l’article L. 2422-4 du code du travail qui a, de par la loi, le caractère d’un complément de salaire, a la nature d’une créance salariale, en sorte qu’elle est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail. L’indemnisation prévue par l’article L. 2422-4 du code du travail en cas d’annulation de l’autorisation de licenciement par jugement du tribunal administratif n’est due que lorsque l’annulation de la décision d’autorisation est devenue définitive. Il en résulte que le délai de prescription de l’action au titre de cette indemnisation ne court qu’à compter de cette date (cass. soc., 11 décembre 2024, n°23-10.439).
Contrat de travail
Exécution
Télétravail, égalité de traitement et modulation de la prime exceptionnelle. – Si le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise, le montant de la prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat (PEPA) peut toutefois être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, des conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail. La décision unilatérale de l’employeur d’attribuer une prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat aux salariés dont les fonctions devaient s’accomplir sur site durant la période du 12 mars au 3 mai 2020 mais qui se trouvaient en congés payés, en arrêt de travail pour maladie, pour garde d’enfant ou en raison de leur situation de personne vulnérable au virus SARS-Cov2 durant la période de pandémie, tandis que les salariés en télétravail durant cette période n’en bénéficiaient qu’au prorata du nombre de jours travaillés sur site, ne méconnaît pas le principe d’égalité de traitement (cass. soc., 4 décembre 2024, n°23-14.829).
Congé pour enfant malade et maintien de salaire en Alsace-Moselle. – Les dispositions de l’article L. 1225-61 du code du travail relative au congé non rémunéré pour enfant malade ne fait pas obstacle à celles des dispositions plus favorables de l’article L. 1226-23 du code du travail, applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, selon lesquelles le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire. Justifie légalement sa décision de maintenir le salaire du salarié absent afin de garder un enfant malade, le conseil de prud’hommes qui décide que cette absence constitue une cause personnelle indépendante de la volonté du salarié (cass. soc., 4 décembre 2024, n°23-11.485).
Impossibilité d’écarter de façon générale l’application du code du travail de Nouvelle-Calédonie par des dispositions contractuelles. – Si l’article Lp 111-1 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ne fait pas obstacle à l’exécution de stipulations contractuelles plus favorables, l’application de ce code ne saurait être écartée en raison du seul visa dans le contrat de travail de dispositions du code du travail applicable en métropole (cass. soc., 4 décembre 2024, n°22-19.584).
Cadre dirigeant
Prescription triennale et contestation de la qualité de cadre dirigeant. – La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la qualité de cadre dirigeant est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail (cass. soc., 4 décembre 2024, n°23-12.436).
Rupture
Mise en œuvre de la clause de cession par un journaliste. – Lorsque la rupture du contrat de travail survient à l’initiative du journaliste professionnel et qu’elle est motivée, comme le lui autorise l’article L. 7112-5 du code du travail, par la cession du journal ou du périodique au service duquel il exerce sa profession, il est en droit de bénéficier de l’indemnité de rupture prévue par les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail. L’article L. 7112-5 du code du travail n’impose pas de délai pour mettre en oeuvre la clause de cession, ni la démonstration de la volonté de poursuivre la carrière de journaliste postérieurement à la rupture du contrat de travail (cass. soc., 4 décembre 2024, n°23-13.279).
Licenciement pour abus de la liberté d’expression fondé sur les SMS envoyés depuis le portable professionnel. – Ne revêtent pas un caractère privé et peuvent être retenus au soutien d’une procédure disciplinaire, peu important que ces échanges ne soient pas destinés à être rendus publics, les messages adressés par un salarié à des collègues en poste ou ayant quitté l’entreprise, contenant des propos critiques à l’égard de la société et dénigrants à l’égard de ses dirigeants, qui bénéficient d’une présomption de caractère professionnel pour avoir été envoyés au moyen du téléphone mis à sa disposition pour les besoins de son travail et dont le contenu est en rapport avec son activité professionnelle (cass. soc., 11 décembre 2024, n°23-20.716).
Incompétence du juge judiciaire pour apprécier la validité des catégories professionnelles définies par le PSE. – Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une décision de validation d’un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l’emploi devenue définitive, apprécier la légalité des mesures figurant dans ce plan et déterminant les catégories professionnelles concernées par le licenciement. Il appartient à l’autorité administrative sous le contrôle du juge administratif de vérifier si les stipulations de l’accord collectif majoritaire qui déterminent les catégories professionnelles sont entachées de nullité, en raison notamment de ce qu’elles revêtiraient un caractère discriminatoire (cass. soc., 11 décembre 2024, n°23-18.987).
Protection sociale
Cotisations sociales
Mise à disposition gratuite d’un logement de fonction et travail dissimulé. – La fourniture, par l’employeur, d’un logement constitue un avantage en nature qu’il y a lieu d’inclure dans le montant de la rémunération du salarié et qui doit être indiqué sur le bulletin de paie qui lui est remis. La non-mention sur le bulletin de paie du logement de fonction mis à disposition gratuitement par l’employeur dans un bâtiment de l’entreprise peut caractériser l’infraction de travail dissimulé (cass. soc., 4 décembre 2024, n°23-14.259).
Obligation de vigilance du donneur d’ordre. – Le donneur d’ordre est considéré comme ayant procédé aux vérifications requises par l’article L. 8222-1 du code du travail lorsqu’il s’est fait remettre par son cocontractant les documents que l’article D. 8222-5 du code du travail énumère, comprenant notamment l’attestation prévue à l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale, dite attestation de vigilance, qui permet de vérifier que le prestataire est à jour de ses obligations auprès des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales. N’a pas correctement procédé à ces vérifications, le donneur d’ordre qui ne s’est pas fait remettre l’attestation de vigilance de son cocontractant, mais seulement des attestations sur l’honneur établies par la gérante mentionnant son engagement à n’employer que des salariés régulièrement déclarés auprès des organismes sociaux ainsi qu’une attestation émanant du Régime social des Indépendants mentionnant un compte à jour de déclarations et de paiement des cotisations personnelles de la gérante de l’entreprise sous-traitante, alors qu’elle certifiait avoir recours à des salariés (cass. 2ème civ., 5 décembre 2024, n°22-21.152).
Contentieux
QPC relative à l’action de groupe en matière de discrimination. – La Cour de cassation a jugé qu’il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’action de groupe en matière de discrimination, ainsi libellée : « Les dispositions de l’article 92, II, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et en particulier, au principe d’égalité des justiciables devant la loi en ce qu’elles excluent, par principe, les seules actions de groupe en matière de discrimination du bénéfice du principe selon lequel une loi de procédure est immédiatement applicable aux faits antérieurs à son entrée en vigueur au contraire des actions de groupe en matière de santé publique, de données personnelles et de consommation ? ». (cass. soc., 4 décembre 2024, n°24-15.269).