Les 15 arrêts marquants de la Cour de cassation en mars 2025

Relations professionnelles

Syndicats

Egalité de traitement en matière de communication syndicale. – Les facilités prévues par une convention ou un accord collectif permettant de rendre accessibles, sous forme de « lien », les sites syndicaux mis en place sur l’intranet de l’entreprise ne peuvent, sans porter atteinte au principe d’égalité de traitement en matière de communication syndicale, être réservées aux seuls syndicats représentatifs au niveau de l’entreprise dès lors que l’affichage et la diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise sont liés, en vertu des articles L. 2142-3 à L. 2142-7 du code du travail, à la constitution par les organisations syndicales d’une section syndicale, laquelle n’est pas subordonnée à une condition de représentativité (cass. soc., 12 mars 2025, n°23-12.997).

CSE

Représentant syndical au CSE et condition d’appartenance à l’établissement dans lequel il est désigné. – Les conditions de validité de la désignation d’un représentant syndical, tenant à la personne du salarié désigné, doivent être appréciées à la date de la désignation. A cette date, lorsque l’entreprise comporte plusieurs établissements distincts, le salarié désigné représentant syndical au comité social et économique d’un établissement doit travailler dans cet établissement. La Cour de cassation valide, en conséquence, le raisonnement des juges du fond ayant annulé la désignation d’un représentant syndical au CSE après avoir constaté qu’à la date de ses désignations, son lieu de travail était rattaché à un autre établissement (cass. soc., 12 mars 2025, n°24-11.467).

Statut protecteur

Absence de nécessité de demander une autorisation de rupture en cas de conclusion d’un nouveau contrat de mission succédant immédiatement à la rupture amiable. – La saisine de l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de la rupture amiable du contrat de mission conclu par un salarié protégé n’est pas requise, dès lors qu’a succédé immédiatement à cette rupture la conclusion d’un nouveau contrat de mission, excluant par là même toute décision de l’entreprise de travail temporaire de ne plus faire appel au salarié par de nouveaux contrats de mission (cass. soc., 12 mars 2025, n°22-23.460).

Autorisation administrative de licenciement du salarié protégé et compétence du juge judiciaire pour apprécier les éventuels manquements de l’employeur antérieurs au licenciement. – Si le juge judiciaire ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement et notamment le non-respect par l’employeur des dispositions des articles L. 1226-7 et L. 1226-9 du code du travail en l’absence de visite de reprise après l’arrêt de travail pour cause d’accident du travail (cass. soc., 26 mars 2025, n°23-12.790).

Contrat de travail

Exécution

Absence de préjudice nécessaire. – La nullité de la convention de forfait annuel en jours n’ouvre pas, à elle seule, droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait (cass. soc., 11 mars 2025, n°23-19.669). Il en est de même lorsque l’employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l’accord collectif qui avaient pour objet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos et que la convention de forfait en jour est privée d’effet (cass. soc., 11 mars 2025, n°24-10.452) ou de manquement de l’employeur à son obligation de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement ses droits à congé payé (cass. soc., 11 mars 2025, n°23-16.415) ou encore de manquement de l’employeur à son obligation de suivi médical du travailleur de nuit (cass. soc., 11 mars 2025, n°21-23.557).

Répartition de la charge de la preuve en matière de discrimination et office du juge. – Cet arrêt constitue une nouvelle illustration didactique de l’office du juge saisi d’un référé probatoire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile dans un contexte d’allégations de discrimination syndicale. Pour rejeter la demande de production de pièces, les juges d’appel ont retenu que la salariée ne justifie pas de l’utilité et de l’intérêt de la mesure sollicitée au regard des salariés spécifiquement dénommés. Ils ne sont pas suivis par la Cour de cassation, qui rappelle sa méthodologie selon laquelle il convenait de rechercher, d’abord, si la communication des pièces demandées par la salariée n’était pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi, la salariée faisant valoir dans ses conclusions qu’elle se comparait avec des personnes entrées dans l’entreprise en situation de départ en tous points comparable à la sienne et que son panel était composé de tous les salariés présents aux effectifs, ou partis depuis moins de cinq ans, qui avaient été embauchés dans l’entreprise, à la même période, au même niveau de qualification et de classification de la convention collective, ensuite, si les éléments dont la communication était demandée étaient de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, quelles mesures étaient indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant d’office le périmètre de la production de pièces sollicitées (cass. soc., 26 mars 2025, n°23-16.068).

Pouvoir disciplinaire

Motif disciplinaire fondé sur le comportement adopté par le salarié à la suite d’une rupture amoureuse sur le lieu de travail. – Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas en principe justifier un licenciement disciplinaire à moins qu’il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail. Doit en conséquence être approuvé l’arrêt qui déboute le salarié de ses demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir constaté qu’il occupait une position hiérarchique élevée et que son comportement, sur le lieu et le temps du travail, dans le but d’obtenir une explication en raison d’un possible dépit amoureux ou aux fins d’entretenir une relation malgré le refus clairement opposé par une collaboratrice, peu important qu’elle ne soit pas sous sa subordination directe, constituait un manquement à ses obligations découlant du contrat de travail, incompatible avec ses responsabilités, et qu’une telle attitude, de nature à porter atteinte à la santé psychique d’une autre salariée, rendait impossible son maintien au sein de l’entreprise (cass. soc., 26 mars 2025, n°23-17.544).

Transfert

Transfert à une personne publique et absence de formalisme du refus de la proposition de contrat de droit public. – Aux termes de l’article L. 1224-3 du code du travail, lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. En cas de refus des salariés d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit, en appliquant les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat. Il résulte de l’article 1103 du code civil que le contrat de travail ne peut être modifié qu’avec l’accord exprès du salarié, lequel ne peut résulter de son silence ou de la poursuite par lui du travail. Doit en conséquence être censuré l’arrêt qui, pour déclarer le licenciement nul, retient que, face à l’éventuelle ambiguïté du comportement de la salariée, l’absence de réponse de sa part à la proposition de contrat de droit qui lui a été faite ne saurait équivaloir à un refus de signer le contrat de droit public, dès lors que l’établissement ne l’a pas auparavant mise en demeure de se positionner. En effet, en l’absence de dispositions prévoyant, vis-à-vis des salariés concernés, une procédure particulière pour la proposition de contrat de droit public en cas de reprise par une personne publique, le refus par le salarié de signer le contrat de droit public proposé n’est soumis à aucune forme particulière (cass. soc., 12 mars 2025, n°22-20.627).

Rupture

Procédure de reclassement pour inaptitude et consultation du CSE y compris en l’absence de possibilité de reclassement. – Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur a l’obligation de consulter le CSE avant l’engagement de la procédure de licenciement même lorsqu’il n’identifie aucune possibilité de reclassement (cass. soc., 5 mars 2025, n°23-13.802).

Absence de maintien des avantages en nature pendant le congé de reclassement excédant la période de préavis. – Lorsqu’un salarié se trouve en congé de reclassement, au cours de la période dépassant la durée de son préavis, il ne peut prétendre au maintien des avantages en nature dont il bénéficiait durant le préavis, mais seulement au versement de l’indemnité due au titre du congé de reclassement (cass. soc., 12 mars 2025, n°23-22.756).

Notion de groupe de reclassement et application à une CPAM. – Il résulte de l’article L. 1226-2 du code du travail que le périmètre du groupe de reclassement correspond à l’ensemble des entreprises, situées sur le territoire national, appartenant à un groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Justifie légalement sa décision, sans avoir à rechercher si l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent entre elles la permutation de tout ou partie du personnel, une cour d’appel qui, retenant à bon droit qu’une caisse primaire d’assurance maladie n’appartient pas à un groupe au sens des articles précités du code du commerce, décide que l’employeur n’était pas tenu de rechercher un reclassement dans d’autres caisses d’assurance maladie (cass. soc., 19 mars 2025, n°23-21.210).

Absence d’obligation d’attendre l’issue de la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude pour prononcer le licenciement pour inaptitude. – La rupture du contrat de travail en raison de l’inaptitude du salarié régulièrement constatée par le médecin du travail n’est pas subordonnée à la décision préalable du conseil de prud’hommes sur le recours formé contre l’avis de ce médecin. Viole ces dispositions une cour d’appel qui juge nul le licenciement pour inaptitude d’un salarié aux motifs que l’employeur ne justifie pas des raisons objectives qui l’ont décidé à poursuivre la procédure de rupture du contrat de travail et à le rompre malgré le recours contre l’avis du médecin du travail et, de ce fait, ne justifie pas avoir pris toutes les mesures possibles pour maintenir le salarié en situation de handicap dans un emploi au sein de l’entreprise, après avoir constaté que le médecin du travail avait expressément mentionné dans l’avis d’inaptitude que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, ce dont il résultait qu’à la date à laquelle le licenciement avait été prononcé, l’employeur était dispensé de rechercher et de proposer des mesures de maintien dans un emploi (cass. soc., 19 mars 2025, n°23-19.813).

Licenciement verbal et préparation du recrutement du remplaçant. – Il résulte de l’article L. 1232-6 du code du travail que la rupture du contrat de travail, en l’absence de lettre de licenciement, ne peut résulter que d’un acte de l’employeur par lequel il manifeste au salarié ou publiquement sa volonté de mettre fin au contrat de travail. En considérant que la rupture devait s’analyser en un licenciement verbal, alors qu’elle avait constaté que l’intention de l’employeur de recruter un nouveau directeur général, manifestée uniquement par un échange entre le président de la société et la responsable des ressources humaines afin d’établir une promesse d’embauche, n’avait pas été exprimée publiquement ni auprès du salarié, ce dont il résultait que l’employeur qui conservait la faculté de ne pas mettre en œuvre la procédure de licenciement, n’avait pas manifesté de manière irrévocable la volonté de mettre fin au contrat de travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé (cass. soc., 26 mars 2025, n°23-23.625).

Contentieux

Admissibilité des témoignages recueillis et anonymisés par un commissaire de justice. – Doit être censuré l’arrêt qui, pour dire le licenciement d’un salarié sans cause réelle et sérieuse, ayant relevé que l’employeur produit uniquement deux constats d’audition aux fins de preuve établis par huissier de justice reprenant les contenus des auditions effectuées par cet huissier de cinq témoins dont l’identité n’est jamais mentionnée, à la demande de ces personnes, et que ces témoignages évoquent son attitude irrespectueuse voire agressive tant verbalement que physiquement envers ses collègues, retient que les constats anonymisés doivent être déclarés  » non probants « . La production de ces témoignages anonymisés pouvait être considéré comme étant indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé des travailleurs et l’atteinte portée au principe d’égalité des armes comme strictement proportionnée au but poursuivi, dans la mesure où (i) la teneur des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs, mais dont l’identité était connue de l’employeur et de l’huissier de justice qui avait recueilli ces témoignages, avait été portée à la connaissance du salarié, (ii) ces témoignages avaient été recueillis par un huissier de justice responsable de la rédaction de ses actes pour les indications matérielles qu’il a pu lui-même vérifier et (iii) il n’était pas contesté que le salarié avait déjà été affecté à une équipe de nuit pour un comportement similaire à celui reproché dans la lettre de licenciement (cass. soc., 19 mars 2025, n°23-19.154).

Délai de prescription biennal pour l’indemnité d’occupation du domicile à des fins professionnelles. – L’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée, de sorte qu’il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail. L’action en paiement de cette indemnité qui compense la sujétion résultant de cette modalité d’exécution du contrat de travail est soumise au délai biennal de l’article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail (cass. soc., 19 mars 2025, n°22-17.315).